Grands-Remous
L’inventaire de la forêt privée
Les forêts occupent près de la moitié du territoire québécois, avec une superficie de plus de 750 300 km²!
Tout bon marchand pourra le confirmer : la saine gestion d’un commerce repose sur une bonne connaissance de sa marchandise autant en termes de quantité que de qualité. Cette affirmation est tout aussi vraie pour les responsables de la gestion des forêts.
Contrairement au marchand qui, aujourd’hui, dispose de codes à barres pour faire l’inventaire, il est impossible d’envisager que l’on puisse compter et vérifier chacun des arbres du Québec. De plus, la forêt est un milieu dynamique, en perpétuel changement.
L’inventaire forestier permet de mieux connaître l’état des forêts et de suivre leur évolution. Il permet également d’identifier les différentes espèces d’arbres, de déterminer leur âge, leur hauteur et leur taux de croissance, de quantifier les volumes de bois disponibles pour la récolte, en plus d’apporter des connaissances, entre autres, sur les dépôts de surface, les perturbations et les classes de pente.
L’interprétation des photographies aériennes – L’inventaire débute avec la prise de photographies aériennes. Pour couvrir le Québec forestier, il faut quelque 200 000 photos à l’échelle 1/15 000! Ces photos sont prises par avion avec une caméra de très haute précision. À l’aide d’appareils spécialisés comme le stéréoscope, les photo-interprètes examinent chacune des photographies. Ils délimitent les territoires qui sont relativement homogènes en termes de composition d’essences, de densité et de hauteur des arbres. Ces regroupements s’appellent des peuplements forestiers. Un code d’identification est alors attribué à chacun des peuplements.
La cartographie – Les contours délimités sur les photos aériennes sont ensuite mis à l’échelle cartographique 1/20 000 au moyen d’un logiciel. Ces images serviront à réaliser des cartes numériques qui portent alors le nom de cartes éco-forestières. Puisque l’espace sur une carte est très limité, les données sont présentées sous la forme de codes.
À titre d’exemple, voici l’interprétation des codes du peuplement surligné en jaune sur la carte :
ErFt – Le code ErFt veut dire érablière à feuillus tolérants. Ici, l’érable à sucre domine, mais d’autres essences de feuillus tolérants croissent avec les érables. Ces arbres, tout comme l’érable, produisent des graines qui germent, de préférence, à l’ombre des grands arbres. Ils sont qualifiés de tolérants car ils tolèrent bien l’ombre.
C – Cette lettre exprime un pourcentage de couverture formé par la projection au sol des cimes des arbres qui ont plus de 7 mètres de hauteur. C représente une couverture de 40 à 60 %. Cette donnée est un indicateur de la densité de la forêt.
1 – Le chiffre qui suit le code de densité est celui qui indique la hauteur moyenne des arbres. 1 veut dire que la majorité des arbres du peuplement ont plus de 22 mètres de hauteur.
Vin – Ce code indique que cette forêt est vieille et que l’âge des arbres dans le peuplement varie de 60 à 120 ans.
Cp – Indique qu’une coupe partielle des arbres a déjà eu lieu dans le peuplement.
D – Représente une classe de pente entre 16 et 30 %.
R – Fait référence au dépôt de surface [couche de matériau meuble qui recouvre le roc]. Ici, le dépôt de surface est très mince avec des affleurements rocheux fréquents.
II – Désigne un régime hydrique, ici, sec.
Puisque toutes ces données sont informatisées, le numéro de peuplement 1534 permet d’interroger une banque de données qui renferme les précisions sur les codes et la superficie.
Un sondage pour vérifier les données – Afin de vérifier l’exactitude des données de la photo-interprétation, il faut procéder, par échantillonnage, à une vérification sur le terrain. Près de 200,000 endroits précis, répartis sur l’ensemble du territoire forestier, sont visités et examinés attentivement par les forestiers. Chaque endroit est appelé une placette-échantillon.
Pour visualiser une placette, imaginez-vous à l’intérieur d’un cercle qui a un rayon de 11,28 mètres. Dans cet espace de 400 m², les arbres sont identifiés, quantifiés, qualifiés, mesurés et leur âge est déterminé. Le forestier note diverses caractéristiques, tels la pente, l’altitude, le drainage et le type de sol. Il prélève un échantillon de sol pour analyse.
Au Québec, 190 000 des placettes-échantillons sont temporaires, c’est-à-dire qu’elles servent normalement à un seul programme d’inventaire. Les 10 000 autres sont permanentes. Lors d’un prochain inventaire, les forestiers examineront de nouveau ces placettes-échantillons permanentes et les mesures seront comparées aux mesures précédentes. Les résultats permettront de connaître la croissance des peuplements.
Les étapes de l’inventaire forestier pour un territoire donné se déroulent sur une période de trois ans. Chaque année, des travaux d’inventaires forestiers sont amorcés sur une partie du territoire. Il faut une dizaine d’années pour couvrir tout le Québec méridional. En 2002-2003, toutes les forêts québécoises auront été inventoriées pour une troisième fois.
L’évolution de la discipline de la géomatique et le traitement informatique des données géographiques permettront de raffiner l’inventaire forestier et l’analyse des données.
Après avoir complété l’inventaire, les forestiers disposent des informations requises pour passer à la prochaine étape de l’aménagement des forêts : la préparation des plans d’aménagement forestier.
Ces plans indiquent, pour un territoire délimité, où, quand et comment se fera la récolte des arbres. Les données de l’inventaire forestier seront traitées selon des méthodes statistiques et des concepts mathématiques. Les résultats permettront d’évaluer la quantité de bois qui pourra être coupé régulièrement, année après année, sur le territoire. Ainsi, nous pourrons profiter des bienfaits économiques de la forêt à court terme tout en sachant que les récoltes futures sont garanties.